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Christelle en vadrouille
23 février 2010

La violence au Salvador

Après avoir vécu 2 ans au Salvador, je suis rentrée quelques mois en France, puis j’ai décidé de retourner à San salvador pour y faire mon stage de Master 2. Je pensais que je m’étais habituée à l’insécurité dans le pays, et que la violence de m’étonnerait plus à mon retour. Pourtant…

Lorsque je suis arrivée au Salvador, il y a un mois à peu près, j’ai décidé de passer un week-end à la plage afin de me reposer. J’ai donc pris un bus en direction de « Costa azul », une plage située à l’ouest du pays, à la frontière avec le Guatemala. C’est une plage que je connais bien et où j’ai l’habitude d’aller. Elle est absolument magnifique. Tous les étrangers qui ont la chance de s’y rendre font toujours le même commentaire, ébahis : « Je n’en reviens pas, disent-ils, on dirait le paradis ! ». En effet, cette plage presque sauvage est toujours déserte. Il y a des arbres fruitiers et des cocotiers de partout. Comme très peu de maisons ont été construites, les animaux sont nombreux. Les pélicans viennent pêcher devant nous, et les colibris envahissent les plantes. Il n’est pas rare non plus de voir des groupes de perroquets s’envoler lorsque la nuit approche !

Mais ce qui me fascine le plus sur cette plage, c’est la simplicité avec laquelle on vit : lorsque l'heure de manger approche, on attend que les bateaux de pêcheurs pointent leur nez, et on leur achète directement ce que l'on veut pour le repas: thon, requin, crevettes, et même langoustes. Quand on a soif, il y a toujours quelqu’un prêt à grimper aux arbres pour aller y chercher des noix de cocos. Un coup de machette pour enlever le « couvercle » de la noix de coco et le tour est joué. Le soir, on boit une petite bière salvadorienne ou un verre de rhum nicaraguayen, et on va se coucher dans les hamacs. Un rêve !

ranch_029

Après avoir passé 4 mois en France, j’étais donc réellement impatiente de rejoindre ce petit bout de paradis. Les trois heures de bus m’ont semblé interminables, surtout à cause des multiples contrôles organisés par la police pour arrêter les personnes qui sont en possession d’une arme. Après ces trois longues heures et ces nombreux arrêts, on arrive enfin ! Je suis folle de joie ! Mon ami et moi descendons du bus, puis nous marchons quelques minutes à travers des chemins pour rejoindre le petit ranch où nous allons passer la nuit.

Dès notre arrivée, je salue la famille qui vit sur le terrain du ranch. Ils prennent de mes nouvelles, on papote. Puis je cours enfin en direction de l’océan pacifique. Il y  a tellement longtemps que j’attendais ce moment !

Mais, en arrivant sur la plage, je remarque un attroupement anormal juste devant notre ranch. C’est bizarre, puisque cette plage est toujours déserte. Témoin de ma surprise, la plus jeune fille du ranch me rejoint en courant et se met à crier en riant : « Fais attention Christelle, il y a un cadavre sans tête sur la plage ».

Je reste sans voix, les bras ballants. Un décapité ! Un descabezado ! Je n’en reviens pas. Lorsque je vivais au Salvador, j’ai été témoin de la violence, mais jamais à tel point. Je regarde mon ami, terrorisée : « peut-être vaut-il mieux rentrer, me dit-il ». La famille nous rassure : « Non ! Calmez-vous ! Il n’a pas été assassiné là ! C’est sûrement un jeune qui faisait partie d’un gang. Il a été jeté à l’eau un peu plus loin, et la marée l’a ramené ici, c’est tout ».

Cette petite précision semblait rassurer tout monde, sauf moi. J’ai beau essayer, je ne peux m’empêcher de regarder en direction du cadavre. Le contraste entre la plage paradisiaque et ce corps décapité est tellement ahurissant…

Mon ami me rassure et m’invite à aller me baigner malgré tout. « Il faudra que tu te réhabitues me dit-il, c’est tout ». Durant tout l’après-midi, nous avons donc nagé à côté de ce corps. La police est venue le chercher 9 heures après que les habitants du village l’ont découvert. Au mois de janvier, il fait plus de 40 degrés au Salvador...

Lorsque ce cadavre recouvert d’un vulgaire sac poubelle noir disparaît enfin, je me sens mieux. Je vais me baigner plus tranquillement. Rapidement, nous oublions l’évènement, et nous profitons de la plage comme s’il ne s’était rien passé. La vitesse avec laquelle des évènements aussi atroces deviennent pour nous normaux m’impressionne, m’effraie.

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  • Chaque année, Christelle (mümü) voyage dans un nouveau pays pour enseigner le français. Elle raconte ses aventures et ses anecdotes de voyage. Avant de vous lancer dans la lecture des récits, n'oubliez pas de sélectionner le pays à droite!
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